« Avec moi il est toujours très sage », «Elle s’est endormie sans problème »,
« Elle n’est pas si difficile que tu le dis pour les repas », « Dès que tu arrives il fait n’importe quoi ».
Quel parent n’a jamais été agacé par ce genre de remarques de la part de l’autre parent, d’un grand parent ou de la nounou, remarques qui peuvent entraîner un sentiment d’incompréhension, de culpabilité, de dévalorisation ?La « théorie » de l’attachement peut nous aider à comprendre la différence de comportement de nos enfants lorsqu’ils sont confiés à d’autres adultes. Cette compréhension des choses a été mise en avant par un psychiatre en 1978, John Bowlby. Elle a été largement popularisée en France par d’autres scientifiques et auteurs, notamment par le neurologue et psychiatre Boris Cyrulnik.
La base de cette vision réside dans le fait qu’un bébé a besoin de développer une relation d’attachement avec au moins une personne qui s’occupe de lui de façon cohérente et continue. Ce principe est essentiel pour que l’enfant puisse vivre un développement social et émotionnel optimal.
La personne qui représente la figure d’attachement principale de l’enfant est celle qui s’occupe et prend soin de lui de manière privilégiée et stable, au moins pendant plusieurs mois après sa naissance et au mieux durant les deux premières années. La figure d’attachement principale passe du temps avec l’enfant, lui apporte du réconfort, du bien-être, des repères et répond de manière adaptée à ses besoins. Elle nourrit le sentiment de sécurité intérieure de l’enfant par sa constance et sa fiabilité. Plus le lien avec l’enfant est entretenu, plus son réservoir affectif sera rempli, ce qui lui permettra de développer ses compétences motrices, intellectuelles et relationnelles de la meilleure manière qui soit.
La figure d’attachement principale est souvent la mère. Bien évidemment, l’enfant va se constituer plusieurs figures d’attachement au fur et à mesure du temps, mais il subsistera très souvent une figure prioritaire vers laquelle l’enfant se tournera.
À partir de 2 ans, l’enfant est progressivement capable d’utiliser sa, ou ses figures d’attachement comme ancrage à partir duquel il pourra explorer le monde. En effet, pour pouvoir se séparer (prendre le large) sereinement, l’enfant doit s’être solidement attaché à sa figure d’attachement (son port d’attache). Contrairement à ce qui est encore trop souvent véhiculé, le maternage de proximité, le portage, la réponse aux pleurs, le refus de se séparer précocement de son bébé, prépare l’enfant à ses futures prises d’autonomie.
Bowlby avance que l’enfant, comme tous les mammifères, est programmé pour ne pas exprimer sa détresse en milieu hostile ou étranger afin de ne pas se rendre vulnérable. En milieu non familier, les bébés et jeunes enfants n’osent pas exprimer pleinement leur tristesse, leur colère, leur stress. Au cours d’une journée de garde (crèche, grands-parents…), il est fréquent que l’enfant accumule de multiples tensions (frustrations diverses, lourdeur de la collectivité, déception, fatigue, disputes avec d’autres enfants, hyper-stimulations, manque des parents…) qu’il ne s’autorisera pas à exprimer. Ce n’est qu’une fois en présence de sa figure d’attachement principale, qui lui garantit le maximum de sécurité, qu’il pourra décharger le trop-plein. L’enfant est dans ces conditions certain d’être aimé inconditionnellement même lorsqu’il pleure, se roule par terre, boude ou crie. Il peut alors se produire des explosions en réactions à des choses anodines. N’importe quelle petite frustration du quotidien pourra être déclencheur d’une « crise ».
En étant conscient de cela, le parent peut lâcher prise sur ces anecdotes et apporter à l’enfant l’attention, l’empathie, l’écoute, la tendresse et les moments partagés dont il a tant besoin. Ce phénomène de décharge sera amoindri lorsque les personnes qui prennent soin de l’enfant régulièrement deviendront à leur tour des figures d’attachement
Finalement, même si l’on en arrive à penser que nos enfants livrent le meilleur d’eux aux autres et nous réservent le pire, la compréhension du mécanisme d’attachement nous permet d’interpréter les crises « post-retrouvailles » comme un témoignage de confiance, d’amour et de sécurité, ce qui nous facilite les choses pour les supporter !
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Ludivine Baubry
Professeure en IMP